Avant, on prenait le temps d’écrire des lettres. Aujourd’hui, on s’envoie des vocaux. Et si l’art oublié de la lenteur et du mot juste pouvait enrichir nos messages audio ?
Voici une réflexion sur la communication consciente à l’ère du numérique.
Avant Internet, j’écrivais des lettres
De vraies lettres, avec du papier, un stylo, une enveloppe. Parfois le papier variait de couleur, de texture, d’épaisseur… l’enveloppe y était assortie ou pas … parfois le stylo était accompagné de couleurs plus vives de feutres…
Écrire une lettre, c’était tout un rituel. Choisir le bon moment, pour moi souvent le soir, quand tout se calmait et que le monde s’endormait. J’aimais sentir et écouter le frottement de la plume sur le papier, voir l’encre s’y déposer, hésiter parfois, puis s’affirmer.
Et surtout, il y avait ce soin particulier : la recherche du mot juste.
Pas celui qui vient le premier, non — celui qui dit vraiment ce qu’on veut dire. Celui qui résonne dans notre corps, notre cœur, notre esprit. Celui qui, glissé sur le papier, incarnait à lui seul, petit bout d’encre, tout un univers. Mon univers que je partageais à mon·ma correspondant·e.
Parce qu’on ne pouvait pas effacer comme aujourd’hui.
Il y avait les effaceurs, oui, mais ils laissaient une marque sur le papier qui s’abîmait à leur passage. Et le Tipp-Ex, c’était pire : une trace blanche, épaisse, comme une tentative maladroite d’effacer le passé.
Alors on réfléchissait avant d’écrire.
Certaines lettres s’étalaient sur plusieurs jours. On y revenait, on ajustait, on peaufinait. C’était une conversation lente, patiente, où chaque phrase pesait son poids d’émotion.
Et puis Internet est arrivé
Tout s’est accéléré.
Les lettres ont cédé la place aux emails, puis aux messages, puis aux vocaux.
Aujourd’hui, j’écris très rarement des lettres.
Je me suis adaptée.
J’avoue, je laisse et reçois beaucoup de vocaux — j’y pousse mes interlocuteur·rices. J’aime entendre la voix, son timbre, son grain, ses silences, le souffle sur lequel elle se pose. Le débit de parole, la mélodie qu’elle propose. J’y perçois des choses invisibles : la fatigue, la joie, la tension, la tendresse.
Et puis, on parle plus vite qu’on écrit. Et le temps, la vie passe si vite…
Ce matin, une idée m’a traversée
Et si j’abordais mes vocaux comme j’abordais mes lettres ?
Parce que, soyons honnêtes, les vocaux sont souvent des brouillons parlés :
“Heu…”
“Attends deux secondes…”
“Je sais plus ce que je voulais dire…”
Comme une conversation en direct… mais qui n’en est pas une.
Et là où je croyais “gagner du temps”, je réalise que si l’émetteur·rice y gagne, l’auditeur·rice, lui, en perd parfois.
Et là où je croyais être plus spontanée et droit au but, je deviens parfois diffuse, dispersée.
Introspection
Et toi ?
- De quelle manière communiques-tu à travers tes messages vocaux ?
- Quand tu envoies un message audio, prends-tu le temps de poser ton intention avant de parler ?
- Ton message vocal transmet-il ce que tu veux dire… ou seulement ce que tu penses sur le moment ?
- Si tu réécoutais certains vocaux que tu as envoyés, y reconnaîtrais-tu ta pensée profonde, ou plutôt un flot de réactions ?
Ces petites questions ne visent pas à brider la spontanéité — mais à ramener de la conscience dans la manière dont on tisse le lien.
Et si on retrouvait la pureté essentielle d’une lettre… dans un vocal ?
Entre la lettre et le vocal, il y a un espace à explorer : celui d’une parole consciente, vivante, mais posée.
Voici quelques trucs & astuces pour ne pas perdre la spontanéité, tout en y ajoutant la clarté d’une lettre :
- Respire en conscience avant d’appuyer sur “enregistrer”
Une inspiration brève et une expiration longue, avec un petit débit d’air régulier, lent et silencieux profonde suffisent souvent à calmer la précipitation et à clarifier l’intention. - Pose une phrase d’ouverture
Comme dans une lettre :
“Je t’envoie ce message parce que j’ai pensé à toi…”
“J’aimerais te partager une idée…”
Cela aide à donner un cap à ton message. - Visualise la personne à qui tu parles
Regarde-la depuis ton imagination, visualise-la te sourire, t’écouter. Cela change immédiatement la qualité de ta voix et du lien. - Fais une mini pause avant chaque idée importante
Le silence dans un vocal, c’est comme un paragraphe dans une lettre : il aide l’autre à recevoir, à intégrer. - Réécoute (parfois) tes vocaux avant de les envoyer
Pas toujours, pour garder la fraîcheur. Mais de temps en temps, réécouter t’aidera à entendre comment tu t’exprimes — ton rythme, ta clarté, ton souffle. - Et si tu écrivais tout de même un mot, une phrase, une intention ?
Un message bref, juste pour poser le cœur du message avant de le dire. Comme un petit mot avant la lettre. Ou après.
En guise de conclusion
Que j’écrive ou que je parle (ou que je chante 😉), il s’agit toujours de la même chose :
Prendre le temps d’être en lien.
Et peut-être qu’au fond, ce qui manque à nos communications modernes, ce n’est pas tant la lenteur d’antan que la qualité de présence à l’interlocuteur·rice qu’elle offrait.
Alors oui, je vais continuer à envoyer des vocaux — mais je vais m’efforcer d’en faire des « vocaux- lettres ».
Des vocaux avec une intention.
Des vocaux qui créent du lien.
Des vocaux qui respirent.
Parce qu’au fond, la voix, comme l’écriture, est un art du lien… et du soin.