Je ne vous apprends rien : nous vivons dans un monde hyperconnecté. Notifications visuelles et sonores incessantes, écrans multiples, flux d’informations actifs en permanence. Ce brouhaha « online » se rajoute à un rythme de vie trépidant où les « to do » s’allongent tant dans la vie professionnelle que privée. Non pas que nous ayons davantage à faire dans nos journées que les générations précédentes (quoique), mais cette « hyper-connexion » est chronophage et énergivore. Le temps passe très vite quand on « scrolle » et les notifications et autres « besoins » de vérifier si le « post » ou la « story » du jour a une bonne visibilité sont des monstres d’interruption.
Parlons-nous vraiment de connexion ? Parce que paradoxalement, beaucoup se sentent plus coupé·es d’eux-mêmes qu’ils·elles ne l’ont jamais été. Dans cette société où les réseaux dits sociaux règnent, jusqu’à un quart de la population européenne (selon les pays) dit se sentir régulièrement seule. En Belgique, 6,7% des gens déclaraient en décembre 2024 se sentir seul·e tout le temps ou la plupart du temps.
Et si la connexion ne commençait pas par plus de « links » ou de « likes », mais par une pause volontaire ? Une pause qui permette, d’abord, de se déconnecter de ses environnements habituels pour mieux se reconnecter à soi, et de là, mieux se reconnecter aux autres et au monde avec plus de présence, de sens et d’authenticité.
J’ai testé pour vous ! … et il y a encore du chemin, mais j’y travaille. Je vous partage ci-dessous mes observations et expériences.
1. DISCONNECT – cesser le bruit pour écouter sa propre voix
Le premier pas, c’est de créer un espace. Un espace entre soi et le flux extérieur.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 70,5% de la population mondiale a un téléphone mobile actuellement, dont 80% sont des smartphones. La première raison d’utilisation d’internet est de « trouver des informations », très vite suivie de « rester en contact avec la famille et des amis ». Résultat ? L’utilisateur·rice moyen·ne adulte passe environ 6 h 38 par jour devant des écrans connectés. (Je n’ai pas cherché les chiffres pour les adolescent·es, cet article s’adressant aux majeures). Il est aujourd’hui largement démontré que ces usages excessifs peuvent contribuer notamment à la fatigue mentale, à l’anxiété, à une moindre qualité de sommeil.
En choisissant de se déconnecter — ne serait-ce que pour un temps limité —, les stimuli se réduisent, le rythme s’allège, le silence retrouve une place. Ce silence, ce vide d’informations, de connexions digitales et sonores, est un terrain fertile où la voix la plus intime, la plus intérieure, trouve l’espace pour s’élever. Cette voix qui sait, sent, aide à transformer les rêves en réalité parce qu’ils sont alignés avec nous-mêmes.
C’est cette écoute de soi, de son corps, de ses émotions, de ses pensées, qui permet d’être plus à l’écoute ensuite de l’autre et du monde. Simplement parce qu’en diminuant les bruits alentours (au sens littéral et figuré), il est plus simple de se concentrer sur ce qui importe, vraiment.
Commençons par nous écouter nous-mêmes !
Action “minute”
- Dès le réveil, avant d’allumer votre téléphone : respirez trois fois profondément et demandez-vous « De quoi ai-je besoin aujourd’hui ? » et « Qu’est-ce que je veux apporter aujourd’hui ? (à mes proches, aux gens, au monde…) »
- Entre deux rendez-vous ou réunions : fermez les yeux 30 secondes et sentez votre corps se poser / se « pauser » / se re-poser.
- Quand une notification arrive, observez votre réaction habituelle, sans y répondre tout de suite. Respirez avant d’agir.
Action “journée”
- Choisissez un créneau de trois à quatre heures sans écran. Aucune notification, aucun mail, aucun réseau social. Profitez de ce temps pour marcher, jardiner, créer, cuisiner, ou simplement ne rien faire.
- Mettez votre téléphone en mode avion ou en silencieux en ayant pris le soin de fermer vos applications.
- Allez marcher dans la nature, sans casque, sans podcast, juste le son de vos pas, de votre souffle, de votre corps en mouvement. La nature aide à restaurer l’attention.
- Le soir, 30 minutes avant de dormir, éteignez tous les écrans, allumez une lumière douce, écrivez dans un carnet, lisez un livre en papier ou simplement revenez à votre respiration en conscience : la qualité du sommeil en est améliorée.
2. SELF-CONNECT – revenir à soi pour mieux se relier
Quand vous avez débranché un temps le bruit du monde, vous pouvez tourner votre attention vers l’intérieur : votre corps, vos sensations, votre respiration, vos émotions, vos pensées.
En étant à l’écoute de soi et centré·e sur soi, nous construisons un espace intérieur qui n’appartient qu’à nous, accessible partout et tout le temps. Au plus nous nous y rendons, au plus facilement il nous est accessible. Il est probable que cela demande de faire plusieurs tentatives, plusieurs fois par jour, pendant plusieurs jours. Comme pour tout apprentissage, c’est la pratique qui va rendre le geste automatique. Tout comme nous avons tous·tes vite appris à utiliser un smartphone, à « swiper », à « scroller », etc… Accéder à cet espace peut devenir tout autant une habitude. Et puis, la recherche le confirme : des temps de « digital detox » (réduction volontaire d’usage des écrans) montrent des effets positifs sur le sommeil, la satisfaction de vie, le bien-être perçu.
Donc faites des pauses.
Et si vous avez la possibilité de faire une pause en pleine nature, encore davantage. Sortir dans la nature aide à récupérer l’attention, le calme intérieur.
Et si vous avez la possibilité de vous arrêter une journée complète ou, encore mieux, plusieurs jours, sautez sur l’occasion !
Et coupez votre smartphone.
C’est dans cet espace de reconnexion à soi que notre corps, nos émotions et nos pensées peuvent s’accorder au mieux. Et un instrument accordé rejoindra bien plus harmonieusement l’orchestre que s’il ne l’est pas.
Action “minute”
- La reconnexion à soi passe par des gestes simples mais puissants :
- Arrêtez-vous, littéralement. Idéalement, dans un lieu où on ne viendra pas vous déranger. Et si vous pouvez fermer vos yeux ou juste les laisser entreouverts, c’est encore mieux.
- Prenez conscience de votre respiration : l’air qui rentre, l’air qui sort. Calmez ce rythme : un petit débit d’air régulier, lent et silencieux ; une inspiration par le nez, pas trop longue, juste ce qui est nécessaire sans créer de tensions inutiles dans le thorax ; une expiration (par la bouche ou le nez) tout aussi douce et lente et en même temps plus longue, sans allez jusqu’à une tension abdominale ou autre. Quand vous sentez une contraction, repassez à l’inspir. Cette façon de respirer vous permet à tout instant de vous calmer, dès qu’il y a une crispation corporelle, émotionnelle ou une pensée désagréable ou qui tourne en boucle. Rappelez-vous-en !
- Observez votre corps, comme si vous l’écoutiez avec un stéthoscope. Quelle est la partie qui se manifeste le plus ? Est-ce agréable ou désagréable ? Et si cette sensation se traduisait en une image, un son, une odeur, quel·le serait-il/elle ?
- Quelle émotion est la plus présente, là, maintenant ? Agréable ou désagréable ?
- Et si une pensée surgit, quelle est-elle ? Agréable ou désagréable ?
- Observez, c’est tout. Et si c’est trop désagréable, revenez à votre respiration.
Peut-être n’aurez-vous le temps que de faire l’étape 1 et 2 et c’est déjà très bien.
- Fermez les yeux, prenez 3 respirations profondes, et posez-vous la question : « Que ressens-je maintenant dans mon corps ? »
- Avant de décrocher le téléphone ou d’ouvrir un mail, prenez un instant et demandez-vous : « Est-ce le bon moment ? »
- Quand une émotion devient trop forte à votre goût, faites une pause-respiration. Quelle information vous envoie cette émotion ? (Cf p.80 de mon livre)
- Buvez un verre d’eau en silence, simplement en observant la sensation du liquide qui circule.
- Posez votre main sur votre cœur et sur votre front et imaginez un chemin qui les relie et vous permet un moment de déconnexion. Si c’est difficile, centrez-vous sur vos sensations corporelles.
Action “journée”
- Consacrez 30 minutes pour écrire dans un carnet (pas sur un écran !) vos observations lors des « actions minute » et posez-vous la question : “Qu’est-ce que je veux écouter davantage en moi ?”
- Allouez 30 minutes en matinée ou après-midi pour un « bilan intérieur » : « Qu’est-ce que je veux aujourd’hui ? Qu’est-ce que je ressens ? Comment je souhaite être dans mes relations aujourd’hui ? »
- En fin de journée, notez vos observations : « J’ai écouté… », « J’ai senti… », « J’ai connecté… », « J’ai choisi… ».
3. Re-connect – tisser des liens vrais, de l’intérieur vers l’extérieur
Relié·e à soi, nous revenons dans le monde avec davantage de clarté, de présence, d’authenticité. La manière dont nous nous adressons à l’autre, la façon dont nous sommes là pour l’autre, change radicalement : moins de « faire », plus d’« être ». Vous savez que j’aime (me) rappeler que nous sommes des êtres humains et non des « faire humains ».
Se re-connecter aux autres, c’est :
- écouter sans chercher à répondre immédiatement, mais simplement être présent·e pour comprendre la réalité de mon interlocuteur·rice ;
- poser son attention, non-plus fragmentée par les écrans ou autres « bruits » alentours, mais entière dans l’instant ;
- partager non-plus uniquement via un écran ou un message, mais dans une qualité de lien incarnée, en chair et en os… et en voix.
Quand nous nous écoutons, nous affinons notre écoute de l’autre et notre tolérance vis-à-vis de l’autre. Quand nous vivons davantage en cohérence avec notre corps, notre respiration, nos émotions, nos pensées et leur expression corporelle et vocale, nous nous sentons plus juste et aligné·es dans le monde et dans le lien à l’autre.
Et en nous auto-régulant de cette façon, au sens littéral du terme, en calmant tout notre système (physiologique, émotionnel et psychique), nous pouvons être de meilleur·es co-régulateur·rices pour notre entourage professionnel et privé.
Action “minute”
- Pendant une conversation, concentrez-vous sur votre respiration tout en écoutant l’autre.
- Quand quelqu’un parle, laissez deux secondes de silence avant de répondre.
- Regardez votre interlocuteur·rice vraiment, sans écran ni distraction.
Action “journée”
Prenez le temps d’un café ou d’une marche avec une personne chère, sans téléphone.
Soyez simplement là. Observez la différence dans la qualité du lien.
Action “plusieurs jours”
Planifiez une déconnexion collective : un week-end en amoureux, entre ami·es, en nature, sans technologie. Organisez-y des temps de silence, de partages sincères, de rires, de présence.
Le bonus : s’offrir plusieurs jours pour incarner (= dans la chair)
« Disconnect to Self-connect to Re-connect »
- Prévoyez une (mini-)retraite personnelle : 24 h ou un week-end ou une semaine sans réseaux sociaux, sans mails. Utilisez ce temps pour vous relier à votre corps, votre souffle, votre voix, et aux êtres et lieux autour de vous.
- Pendant cette période, je vous propose :
- d’écrire dans un journal chaque matin « à quoi je me reconnecte ? »
- de faire une activité (ou suivre un atelier) en mouvement (yoga, marche consciente, marcher avec un cheval, ou toute activité qui demande une pleine présence),
- de partager vos expériences avec une personne chère, si possible en présentiel.
- À votre retour, créez un « plan de maintien » : identifiez les rituels que vous voulez garder (silences de 10 minutes par jour, marche sans téléphone, se coucher sans écran, écoute corporelle), et inscrivez dans votre agenda les moments « déconnecter pour reconnecter ».
- Parlez-en autour de vous, l’engagement social (reconnexion aux autres) aide à maintenir les choix que l’on pose.
Conclusion
Vous ne pouvez pas donner à l’autre ce que vous ne vous êtes pas donné à vous-même.
En vous déconnectant du flux extérieur, vous vous faites un cadeau.
En vous reconnectant à vous-même, vous construisez une assise de présence, d’authenticité, de cohérence.
Et avec cette assise, vous êtes au monde, à vos relations, avec plus de puissance, d’écoute, de justesse.
Alors, choisissez aujourd’hui : un pas vers le silence, une respiration calme, une présence vraie.
Et laissez-vous le temps de voir ce que cela change — dans votre corps, dans votre cœur, dans votre « être-avec ».
Parce que se déconnecter, c’est parfois la seule façon de se reconnecter pleinement à soi et au monde.